Jamais autant d’Espagnols n’ont travaillé, et pourtant le chômage augmente
Alors que l’économie espagnole continue de dépasser les prévisions, son marché du travail affiche une vitalité rare : l’emploi progresse, les contrats se stabilisent, et le privé reste moteur. Mais derrière ce dynamisme, la hausse de la population active vient brouiller l’équation
Alors que l’économie espagnole continue de dépasser les prévisions, son marché du travail affiche une vitalité rare : l’emploi progresse, les contrats se stabilisent, et le privé reste moteur. Mais derrière ce dynamisme, la hausse de la population active vient brouiller l’équation.
Jamais l’Espagne n’avait compté autant de bras au travail. D’après la dernière Enquête sur la population active (EPA) publiée par l’Institut national de la statistique (INE), le pays bat un nouveau record avec 22,38 millions de personnes occupées entre juin et septembre 2025, soit 562.500 de plus qu’un an plus tôt. Une performance solide, mais qui ne suffit pas à faire reculer le chômage : le taux de sans-emploi remonte à 10,45 %.
Un été record pour l’emploi en Espagne, et pourtant le chômage remonte
Le marché du travail suit la cadence d’une économie qui continue de surprendre. Au troisième trimestre, la croissance a dépassé les attentes, soutenue par un été touristique exceptionnel, une consommation intérieure robuste et un niveau d’investissement élevé. Résultat : 118.400 emplois créés en trois mois.
Mais cette vitalité s’accompagne d’un autre phénomène : de plus en plus d’Espagnols – et d’étrangers – se mettent en quête d’un emploi. La population active, c’est-à-dire les personnes en âge et en situation de travailler, a bondi de 178.500 personnes, franchissant pour la première fois le cap symbolique des 25 millions. Une bonne nouvelle à long terme, mais qui, à court terme, fait mécaniquement grimper le nombre de chômeurs, désormais à 2,61 millions.
Le privé tire la croissance avec près de 19 millions de travailleurs
C’est le secteur privé qui fait figure de locomotive. Neuf emplois sur dix créés cet été l’ont été hors de la fonction publique. Les entreprises espagnoles emploient désormais près de 18,85 millions de personnes, contre 3,53 millions dans le secteur public. L’industrie mène la danse (+64.100 postes), suivie par les services (+39.100) et la construction (+32.600). Seule l’agriculture recule, avec 17.400 emplois perdus.
Le marché du travail gagne aussi en stabilité. Les contrats à durée indéterminée continuent de grimper (+74.800, soit +0,5 %), pour atteindre 16,13 millions de salariés. Le temps plein progresse nettement (+314.500 postes), tandis que le temps partiel recule (-196.100). Le taux de temporalité dans le privé passe pour la première fois sous la barre des 13 % — un symbole, dans un pays longtemps habitué à la rotation rapide des contrats.
Pourquoi le chômage augmente malgré la création d’emplois : Bien que l’Espagne ait créé plus de 118.000 emplois au troisième trimestre, le taux de chômage est reparti légèrement à la hausse. La raison : un afflux record de nouveaux actifs, c’est-à-dire de personnes en âge de travailler qui entrent sur le marché du travail. En clair, l’offre de main-d’œuvre augmente plus vite que la demande, notamment en raison de l’arrivée de travailleurs étrangers (+36 % sur un an) et d’un taux d’activité global qui atteint désormais 59,3 %. Ce phénomène n’est pas un signe de ralentissement, mais plutôt d’une économie en expansion, capable d’attirer davantage de main-d’œuvre, même si elle ne peut encore l’absorber totalement.
Un record féminin sur le marché du travail, un fossé qui résiste
Elles n’ont jamais été aussi nombreuses à travailler : 10,4 millions de femmes occupent aujourd’hui un emploi en Espagne, un record historique. Mais la dynamique reste inégale : 107.100 emplois supplémentaires pour les hommes, contre 11.300 pour les femmes. Et l’écart persiste aussi du côté du chômage : 12 % pour les femmes, 9 % pour les hommes.
Malgré tout, le paysage s’éclaircit. Plus de 12 millions de foyers comptent désormais tous leurs membres en activité, tandis que ceux où personne ne travaille reculent à 790.800, leur plus bas niveau depuis des années.
Les jeunes Espagnols trouvent du travail, pas encore la stabilité
Les jeunes de moins de 25 ans ont trouvé près de 94.000 emplois supplémentaires, profitant de la bonne santé du marché du travail. Reste que leur taux de chômage frôle encore les 25,4 %, l’un des plus élevés d’Europe.
Petite éclaircie cependant : le chômage de longue durée continue de refluer, avec 904.400 personnes concernées, soit une baisse de 9 % sur un an. Une tendance encourageante, même si la précarité et la rotation rapide des emplois continuent de peser sur les plus jeunes.
Malgré un léger coup de frein dans la création d’emplois, les économistes restent optimistes. « L’Espagne demeure un moteur clé de la croissance de l’emploi en Europe, portée par la vigueur du secteur privé et l’intégration croissante des travailleurs étrangers », souligne ING Economics.
Mais le véritable test reste à venir : faire en sorte que cette dynamique ne se résume pas à une embellie conjoncturelle. Transformer l’élan en emplois stables, qualifiés et durables — voilà le défi d’un pays où jamais autant de gens n’ont voulu, ni pu, travailler.
Les chiffres clés du marché du travail espagnol en 2025
Les chiffres du 3e trimestre 2025 (source : INE)
Travailleurs occupés : 22,38 millions (+118 400 sur le trimestre, +562 500 sur un an)
Taux de chômage : 10,45 % (+0,16 point)
Population active : 25 millions (record historique)
Secteur privé : 18,85 millions d’emplois
Taux de temporalité : 12,9 %
Taux d’emploi (16–65 ans) : 68,6 %
Chômeurs de longue durée : 904.400 (–9 % sur un an)
Taux de chômage des jeunes : 25,4 %
L’Espagne confirme son dynamisme, mais le défi reste la création d’emplois durables et la réduction des inégalités de genre et d’âge.